Frappe de l'écho


La figure circulaire est le mélange des éléments, le feu entre dans l’eau pour lui communiquer sa chaleur, sans toutefois que la chaleur abandonne son but initial qui est le feu ; l’air puisse dans l’eau son humidité, l’eau rafraîchit la terre qui se dessèche au feu pour atteindre à la sécheresse. C’est à cause de cela que le cycle parcouru par les éléments se retrouve dans la pomme et la tête de l’homme.

 

RAMON LULL

Arbre de la Science


NON LOIN D’UNE MARE

HABITÉE D’UNE FAUNE

QUI

M’EST PARTICULIÈREMENT CONNUE

 

Je suis la baignoire de sable

identique aux brouillards d’été

La nuit où tout s’émiette

La chaleur m’enveloppe

 

Imaginez le citron sans sucre

L’immoralité prochaine

du devenir

On dirait une tapisserie à fleurs

 

Un vague café

une chose noble qui amollit les bons

sentiments

de l’allumette

au rendez-vous que l’on n’a pas

 

La chatte

l’obscur

la patte de velours des nuits où l’on ne va

pas plus loin

dans la fleur du présent

 

Femmes qui passez en feux-follets

atouts des places désertes où je me promène

seul

cherchez la solution de mes désirs

Mes amis mes amis mes amis


LA TABLE DES TÉNÈBRES

 

Suspendue au cou des nuits vides

fleur vantée des terres noires

anse magique où perle le rêve

tu es la trajectoire des fruits d’eau saumâtre

la sueur anthropophage de celui qui

t’aperçoit

Le devenir roux de chaque feuille

dans la pierre

aux flancs de chair rose

tranquille indépendance des nuits

au plafond écaillé de sommeil

La cueillette continue

de tes mains blanches

ta bouche le bouquet de lune

la constellation nouvelle

appelée coucher du silence


LE LIT DU VENT

 

Dans chaque porte

où brille l’opale scaphoïde

on passe et repasse

il y a le plongeur des praxinoscopes

la tête en bas

comme un cyprès s’agitant

sous les escaliers monumentaux

amours des deux bouches du Rhône

la queue du chat une verge

née en léthargie

Je n’ai aucune confiance dans les cloches

et dans l’heure

Je n’ai pas plus de chance

avec les mercuriales sélaciennes

sans mot

les pages

les feuilles séminales

où habitent les poissons-éclairs

où les mains d’un homme servent de

racines aux arbres

buvards en plongée

Qu’est cette ombre

qui illumine les coins de ma chambre


PIERRE DE TOUCHE

 

Turbans rouges

verts

ennui jusqu’au désespoir

présents immobiles

espoirs d’interrogation

Joconde

seule femme

au regard de poulpe

orages parfaits

La nuit des glaces

grille toujours vos Saturne

le soleil d’un cigare

est plus qu’il n’en faut

pour voir ce qu’on a jamais vu

vues du noir exaspéré

existences prévues sans espoir


RETOUR PERPÉTUEL

 

Cris obsédants

comme des mâchoires parallèles

cristaux de foudre

où l’inconnu

se présente toujours

en présent continu

en blondes en brunes

Le regard des statues

séduit de moins en moins

Cours d’eau incertains

de latitudes vulgaires

effrois de serviettes

averses sur n’importe quel trottoir

charme roux au déclin du jour

hivers étés du morne continu


PERSPECTIVE CAVALIÈRE

 

Femme aux yeux de lever de soleil

ta voix des soirs de canicule

chancelle au large des nuits d’ivresse

où le froid boit le souffle de ta poitrine

ensorceleuse qui fait pousser les fleurs de

givre

 

Ta folle descente

ton rire vermeil

me ramènent aux paysages de cygnes

dans ton continuel rêve d’amour

 

Dévaleuse éternelle

femme aux lèvres closes

aux seins qui font le beau temps

rôdeuse silencieuse

tu étires la jouissance au fond de toi-même


ESSENTIELLEMENT PRÉOCCUPÉ

 

De l’imprudence des chevaux

des chasseurs erratiques

au style de nefs blanches

leur vice étouffé

en pleureuses grecques

les cheveux

l’acier dont on trempe les aimants

coupent l’haleine

des glaçons métaphysiques

Tombes entr’ouvertes de tous les midis

poussant à l’égal

de baladeuses des quatre saisons

L’aurore locale de tes yeux

en face des flores radiaires

simple consultante

du plaisir de plaire


REGARDS D’HÉLIOTROPE

 

Eclabousseuse des regards

vos araignées matinales offrent l’amour

torses nus du désir

vous faites l’automne à coup de pied

lavandières persuadées qu’on vous trompe

j’ai vu des queues-rouges

riant au feu

 

La plage était trop étroite pour vos bouches

méandrines


LA GUERRE DES ESPRITS

 

Une saison passe

dans une tête qui tombe

Qu’est-ce que l’amour

la traversée tout yeux éteints du plus beau

des déserts

Sans toi

le flux de ton haleine

fait les heures au fur et à mesure

qu’il s’éloigne

Choses vécues sans toi

à l’orée des nuits

La voix des éclipses

dans tes végétations marines

J’emploie la barque de sauvetage

Pour mieux me noyer


SAUT DE LOUP

 

Debout au milieu de la cage

de la treille des fleurs d’eau

j’ai rêvé à de beaux holocaustes

de montagnes entières

de moules pour oiseaux

On chantait en chœur

Un trottoir de billets doux

servait de tapis à des jeunes filles nues

aux cheveux parés des plus lumineux désirs

 

Les scènes mythologiques

avaient tendance à disparaître

sur les pentes des robes lie-de-vin

des grandes allumeuses du début XVIIIe

 

La rue a voilé les plaisirs du matin


LIGNE DE MIRE

 

Dans tes yeux

Il y a le sacerdoce d’amour

 

La cigarette en peau de femme fume

 

Répète

comme le sexe de la pomme

dit en mangeant

Ma vie


DOUBLURE DU MIROIR

 

Coureuse d’atouts

sur les tables en mal d’horloges

pareilles aux sables des corridors de nuages

gardiennes obstinées des couleurs

de plumes fouettées les soirs d’angoisse

infaillibles voluptés des écrans de cinéma

nonchalantes faiseuses de boules

comme des astres qui tournent

vous frôlez le passant

Galantes flammes d’un cri de tout espoir

vous glissez le papillon de vos visites

 

Tout à l’heure ou demain c’est trop tard

Vous satinez l’arête des nuits

étirées en pierres détachées

comme l’œil nichant dans l’arbre


A PERDRE PIED

 

Voies lactées des gouttes de vos vies

le bœuf des pôles aquilins

la terre de vos regards

vos chambres étiquetées d’étoiles

face au vent

vos folles courses apparaissent

au spectre géant du capricorne

Cygnes reflétés au quintuple

dans les miroirs du passé

au vent plissé qui brise les continents

luttes retranchées par delà les forêts

du marc de fumée

 

Tant vaut bien que rien

Courbeuses sacrées des échines

conteuses obscènes

d’un vase d’or vous chantez

au feu de la dernière nuit

si bien

que rien ne vous écarte

de l’ombre des paratonnerres


UNE VAGUE DE VIE

 

Étoile blanchâtre

des dimanches aux chairs vives

escalade de désirs

le sillage de ta voix

fait mousser des furolles nues

 

Tu éblouis la pâleur des tropiques

 

Tu terrasses l’envie de mordre

aux versants de ta bouche azurée

 

J’ai suivi la courbe de tes hanches

élastiques

soleil des lumières

flèche des soirs de mai

ton remous nageait

dans le jeu des feuilles de marronniers

 

L’éclair ramifié de tes dents

échauffait la vie hallucinante

de boire à souhait pour goutter ton délire

les voluptés de ta peau

récif des frissons de corail

 

Je t’érige la statue du désir


LAME SOURDE

 

L’espace des voûtes oxygénées

se poursuit

au réveil des objets

Cette poignée de fenêtre

est une arme pendue au plafond

comme les trottoirs et les mayonnaises

sont anonymes

 

J’aspire aux routes du sommeil

Avec la fleur et toute la vie d’un homme

 

Un dé court parallèlement

aux oiseaux des rues

jusqu’à ce que le soleil vieillissant

tourne sept fois la langue dans sa bouche

avant de parler

 

Le nuage poursuit toujours mon désir

au fil des œufs

J’ai erré tout un sommeil

autour d’arbres renversés

leur chair a tracé leur vie

à l’encre de lune

 

Ma paupière est fermée

aux cheveux des moulins à vent


POINT D’INCIDENCE

 

Les Indiens ont vécu

dans les cataractes suspendues aux bandeaux

de lettres

les nuages poussent les plaisirs aux plumes

féeriques

dont chaque dame rougit ses lèvres

 

Papiers multicolores étoilés de fond de mer

ruisselants de printemps érotiques

vous avez brisé les manières de parler

quand on pousse devant soi le désir

 

J’ai pénétré aussi loin que tout autre les

perspectives de la solitude

les morsures du soir se sont transplantées

dans le délire de la foule

 

Déposant le sommeil sur les blessures de ta

vie

j’ai pu caresser

les forêts pans de murs

de tes yeux projecteurs de silence


SUR CET ÉCUEIL S’ABRITENT

TOUS MES PROJETS

 

En vain

il faut mordre la pomme des Hespérides

manteau des dames seules

Les hirondelles des montagnes poignardes

deux fois

les rivières belles femmes inondées de

sommeil

où coule le cristal de leurs seins

Dames allégées des neiges éternelles

qui cristallisez l’écriture

j’aubépine vos baisers

sourcils d’histoire naturelle

 

Ma vie se baigne dans vos lunes rousses

lèvres rochers de mes rêves

cheveux ensevelisseurs d’horizons

dames au sexe de chant d’oiseau

nageoires de nuit

yeux plongés dans le noir

écuyères du silence

beautés qui passez


L’HERBE SANS COUTURE

 

L’étincelle n’a duré

que l’espace d’une tempête ensevelie

en travail de minuit

Le regard de ta vie

frappe

les murailles de lumière

Noir

rayon de chair

appelé au destin de vivre

du croupissement onirique

dans le coffret satiné de ma dernière nuit

 

Ma vie de plaisirs entomologiques

a vu le fond des labyrinthes

villes entières cantharidées

les fontaines jaillissent pendant vos amours

 

Mais les horloges mâchent tous les passants


Ed. Surréaliste, mai 1940.